La pensée complotiste : un défi pour les scientifiques

Une défiance à l'encontre de polémiques anti-scientifiques

Dans ce chapitre, nous abordons la question de la défiance à l'encontre de discours qui nient l'importance de certaines données scientifiques à seule fin de défendre des intérêts particuliers, notamment ceux d'entreprises impliquées dans l'industrie du tabac ou du pétrole.

Le statut de la preuve scientifique dans le débat public est aujourd'hui âprement discuté. Ce statut est important parce qu'il détermine la fonction des sciences dans notre société.

Par exemple, les premières preuves scientifiques de l'origine humaine du réchauffement climatique datent de 1981. Or, elles sont toujours contestées en dépit du large consensus qui existe dans la communauté scientifique. Il en est de même au sujet du rôle des néonicotinoïdes dans la disparition des abeilles, qui est pourtant bien attesté depuis 1995, mais qui reste contesté, notamment par les fabricants de ces insecticides.

Pour traiter de ces formes de contestations des résultats scientifiques, François Rastier établit un distinguo entre la controverse scientifique et la polémique anti-scientifique.

La controverse scientifique désigne l'affrontement argumenté des tenants de deux ou plusieurs hypothèses qui s'opposent dans un champ disciplinaire. Ces controverses sont précieuses car elles contribuent à l'évolution des conceptions dans une discipline scientifique. Elles témoignent de ce que la pensée scientifique est une pensée critique. Cette controverse vise la clarification car elle permet de réfuter certaines hypothèses.

A l'inverse, la polémique anti-scientifique vise l'obscurcissement des résultats fournis par la recherche scientifique. Elle se développe notamment lorsque ces résultats montrent clairement la toxicité, la dangerosité ou les effets délétères de certaines industries.

La polémique anti-scientifique peut prendre plusieurs formes :

  • L'attaque personnelle des scientifiques par des accusations telles que la soumission supposée à leurs autorités, leurs conflits d'intérêts, etc.

  • L'introduction parmi les éléments du débat de centaines de milliers de documents par certaines industries afin de noyer sous la masse les chercheurs qui tenteraient de faire une synthèse des données disponibles.

  • La mise en débat de données produites par l'industrie ou financées par elles, mais dont les résultats sont difficilement contrôlables ou incontrôlables.

  • La diffusion d'éléments de langage à seule fin de susciter un doute à l'encontre des résultats scientifiques largement acceptés par une communauté

  • Le recrutement de lobbyistes, notamment au niveau des grandes institutions internationales, qui utilisent également des moyens de persuasion sans lien avec la preuve scientifique.

Le statut de la preuve scientifique dans le débat public. Par François Rastier, directeur de recherche CNRS
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