La pensée complotiste : un défi pour les scientifiques

Une proximité surprenante

Nous allons montrer ici le lien surprenant qui peut s'établir entre le développement de la pensée critique, qui est au cœur de notre projet de recherche et d'enseignement, et la pensée complotiste qui peut se nourrir de certains outils de la pensée critique, en particulier dans un climat de défiance, tel que celui qui prévaut aujourd'hui à l'encontre de la science et des technologies.

La ressemblance entre la pensée complotiste et la pensée scientifique

Le doute se retrouve au cœur des pensées scientifique et complotiste. Dans les deux formes de pensée, on est amené à extraire de l'infinité des phénomènes un très petit nombre d'entre eux et d'établir un lien qui les unit par une théorie, par des lois, par des ressemblances frappantes, par des analogies. L'homme cherche tous les jours à dégager des régularités ou des significations à partir de ses observations. On parle de raisonnement indiciaire pour cette forme de raisonnement, ou d'abduction dans la philosophie de Charles Sanders Pierce, qui y voit le raisonnement à la base de toute révolution scientifique. L'exemple classique est celui de l'examen clinique dans le cabinet du médecin ou celui de l'enquête policière.

Des différences importantes entre la pensée complotiste et la pensée scientifique

Il peut être intéressant de regrouper à très grands traits les points communs et les points qui distinguent les pensées complotiste et scientifique. Ce tableau est sans doute schématique, mais il permet d'opérer une première distinction entre deux catégories de pensée. Ce schématisme provient notamment du fait qu'il ne serait sans doute pas possible de définir une pensée scientifique au vu de la variété des pensées de scientifiques qui ont été reconnues comme telles.

Comparaison simple entre des éléments de la pensée complotiste et la pensée scientifique

Le tableau-ci dessous vise à proposer des éléments qui distinguent souvent les raisonnements complotistes et les raisonnement scientifiques. Dans ce tableau, volontairement simple, la pensée scientifique est présentée comme une forme de pensée idéale, et nous savons que souvent, des scientifiques s'en écartent.

Pensée et agir classique des scientifiques.

Pensée et agir classique des tenants de la théorie du complot.

L’épistémologie scientifique valorise des pratiques dans lesquelles les chercheurs montrent comment il serait possible de réfuter leurs propres hypothèses.

L'expertise scientifique est contradictoire.

L’épistémologie complotiste vérifie et confirme ses hypothèses : elle renforce celles-ci par une sorte d’immunisation.

L'expertise complotiste n'est pas contradictoire.

Le scientifique attache une attention primordiale au QQOQCCP (qui, quoi, où, quand, comment, combien, pourquoi).

La complotiste utilise des faits qui sont parfois solides et incontestés mais il les mélange avec des faits imaginaires ou de pures spéculations.

Les articulations entre les arguments sont montrées clairement.

Les articulations entre les arguments sont souvent masquées. Il devient alors difficile de reconstituer l’ensemble d’un raisonnement complotiste.

Les arguments liés au pathos (à l’émotion) sont rares ou absents.

Les arguments liés au pathos sont présents et fréquents.

Autant que possible, l’explication est simple, … lorsqu’on a fait l’effort soutenu de la comprendre.

L’explication est simpliste, elle est essentiellement basée sur une cause unique.

La preuve scientifique est publique : tous les éléments qui conduisent à la preuve sont connus.

La preuve est montrée mais n’est pas soumise à la critique publique. Certaines preuves, généralement essentielles, sont manquantes.

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