Les séquences discursives reposant sur une comparaison, ou sur une analogie, ou sur un « parallèle » ne sont pas seulement argumentatives
1. La comparaison est argumentative lorsqu'elle s'appuie sur une situation, un cas, faisant l'objet d'un consensus, pour transférer une propriété de ce cas faisant consensus sur un autre cas, en discussion, et donc encore controversé. On peut parler ici d'argument puisque le propos porte sur une question controversée et qu'il vise à influencer le point de vue d'un certain public. C'est cette forme argumentative de séquence comparative qui sera discutée dans la suite de cette séquence.
2. Ces séquences peuvent également avoir une fonction explicative. Qu'elle soit argumentative ou explicative, la comparaison renvoie à un domaine mieux connu, plus largement accepté, et qui est supposé éclairer le cas moins bien connu. On considère que la comparaison ou l'analogie est explicative lorsqu'elle vise à faire comprendre au destinataire quelque chose à partir d'une situation, d'un fait, d'un processus qu'il connaît mieux. La comparaison explicative n'est pas argumentative lorsqu'elle ne vise pas à influencer les jugements ou les actes du destinataire. Par exemple, un expert convoqué par des députés pourra expliquer qu'une catastrophe nucléaire récente ressemble à une catastrophe plus ancienne et bien connue, sans chercher à argumenter pour influencer son public au sujet des mesures de prévention à prendre.
3. La comparaison peut viser un effet esthétique (on entre alors dans le très vaste domaine des comparaisons ou métaphores littéraires : « comme une étoffe déchirée, on vit ensemble séparés », dit un poème de Louis Aragon). L'analogie entre une étoffe déchirée et un couple qui se sépare vise à susciter une émotion.
4. La comparaison peut poursuivre une visée descriptive : il s'agit de permettre à l'interlocuteur de se représenter une réalité dont il n'a aucune connaissance directe en la rapprochant d'une autre qu'il a à l'esprit ("Bruges ressemble un peu à Venise").
5. Elle peut encore jouer une fonction essentiellement ludique. On pense à la vaste famille de blagues, d'un goût souvent contestable, obéissant à la structure « les X, c'est comme les Y : [énoncé de la propriété supposée commune] ». Par exemple, « la hiérarchie, c'est comme les étagères : plus c'est haut, moins ça sert » ; « Les hommes, c'est comme les comptes en banque ; s'ils n'ont pas trop d'argent, ils n'ont pas beaucoup d'intérêt »... Dans ces cas, les deux termes de la comparaison doivent être aussi éloignés l'un de l'autre que possible, afin de parvenir à intriguer le destinataire : que peuvent-ils bien avoir en commun ? L'énoncé de la propriété commune vient résoudre cette énigme et suscite le rire à la mesure de la surprise qu'elle provoque.
6. Enfin, l'analogie joue très souvent un rôle heuristique (du grec heuriskein, trouver), c'est-à-dire un rôle dans un processus éducatif ou de recherche. Confronté à un domaine de l'expérience encore non élucidé, et pour lequel il s'agit de trouver une description adéquate. Les scientifiques peuvent s'inspirer de systèmes explicatifs élaborés dans un domaine donné et les appliquer, par analogie, au domaine sous examen.
Exemple : Un exemple de comparaison à visée heuristique
L'analogie est très fréquente en didactique. Par exemple, pour expliquer quelle est la structure d'un atome, on pourra dire à un enfant qu'il a quelque ressemblance avec le système solaire. Comme les planètes tournent autour du soleil, les électrons tournent autour du noyau. Cet exemple montre clairement à ceux qui ont étudié un peu de chimie qu'une analogie devient rapidement problématique... C'est la pertinence des similarités qui est souvent au cœur du problème de l'analogie.
Des transferts analogiques peuvent s'avérer éclairants pour comprendre une situation que l'on découvre. C'est ce qu'illustre l'exemple qui suit, qui suggère l'apport des méthodes propres à la biologie darwinienne appliquées à la linguistique historique :
Mahé Ben Hamed, CNRS, Université de Lyon II : « Les méthodes développées par la biologie évolutive dans la continuité des théories darwiniennes sont d'un très grand apport pour la linguistique historique, qui cherche à retracer l'évolution des langues. Darwin lui-même avait noté un curieux parallèle entre les processus de formation des espèces et des langues. Le principe de descendance avec modification s'illustre par les mots qui, du bas latin à l'ancien français par exemple, présentent une filiation sans être conservés à l'identique. De même, l'influence de facteurs sociaux sur le lexique ou la prononciation présente une similitude avec la sélection naturelle de caractères biologiques par l'environnement. Les emprunts lexicaux entre idiomes sont également comparables aux échanges de matériel génétique entre espèces chez les plantes ou les bactéries. Ces analogies ont conduit à l'utilisation des méthodes de la biologie évolutive pour reconstituer l'histoire des langues avec un arbre ou un réseau phylogénétique, comme on le fait pour les espèces vivantes »
. ("Darwin, l'héritage", Le Monde, 6 février 2009)