L'argumentation peut constituer une alternative à la violence
Exemple :
« La parole (...) est à l'origine des biens les plus grands. En effet, de tous nos autres caractères aucun ne nous distingue des animaux. Nous sommes même inférieurs à beaucoup sous le rapport de la rapidité, de la force, des autres facilités d'action. Mais, parce que nous avons reçu le pouvoir de nous convaincre mutuellement et de faire apparaître à nous-mêmes l'objet de nos décisions, non seulement nous nous sommes débarrassés de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis pour construire des villes ; nous avons fixé des lois ; nous avons découvert des arts et, presque toutes nos inventions, c'est la parole qui nous a permis de les conduire à bonne fin. C'est la parole qui a fixé les limites légales entre la justice et l'injustice, entre le mal et le bien ; si cette séparation n'avait pas été établie, nous serions incapables d'habiter les uns près des autres. (...)" Isocrate[1]
Depuis plus de 2000 ans, les philosophes se sont intéressés à cette particularité qu'ont les hommes de parler, et au delà, d'argumenter, de par l'usage de la parole, comme le montre l'extrait d'Isocrate, un orateur grec (-436 - -338), repris ci-dessus.
Les hommes se trouvent souvent en situation de conflit ; avec un ami, avec un voisin, en famille, dans la rue, dans l'entreprise, dans une association, entre Etats, etc. Et dans de nombreuses situations historiques ou dans de nombreux conflits actuels, la parole constitue souvent une alternative à la violence physique. Si les hommes ont le souhait de vivre en paix, c'est bien souvent par l'argumentation qu'ils en viendront à éviter l'usage de la violence, car l'argumentation peut constituer une voie privilégiée pour justifier leurs opinions, pour clarifier les doutes ou les incompréhensions, pour tenter de résoudre les divergences de vues, les haines, les oppositions parfois mortelles que les hommes entretiennent.
Il n'est d'ailleurs pas anodin de constater que l'étude de la rhétorique a souvent été revivifiée dans les périodes de grande violence guerrière ; pensons aux guerres du Péloponèse (avec les philosophes Isocrate, Platon, ou Aristote), aux guerres à l'époque romaine (avec Cicéron ou Quintilien) et à la période qui a suivi la seconde guerre mondiale (avec Chaïm Perelman et Stephen Toulmin).
Notre cours est bâti sur l'idée que la violence physique risque toujours de revenir dans notre propre histoire, et qu'il est nécessaire de chercher à l'éviter. Nous pensons que cet effort est aussi celui des universitaires, des enseignants, des intellectuels : la formation qu'ils ont reçue et qu'ils ont la chance de pouvoir utiliser leur donne des outils pour s'investir au service la paix sociale et de la justice.
La parole peut être l'arme de la paix, mais ne soyons pas naïfs : ne perdons pas de vue que la parole peut aussi être une source de violence ; un simple mot peut blesser, une simple phrase peut causer un chagrin infini, un discours peut entraîner un peuple dans la guerre civile. L'étude de l'argumentation donne un pouvoir décisif, tant pour servir l'intérêt commun que pour lui nuire.