L'argument fondé sur une analogie pour relever... des différences
L'analogie entre deux situations peut aussi être mise en avant pour faire ressortir par la suite des différences fondamentales entre elles.
Exemple :
Voici un exemple simple inventé pour l'occasion : « J'ai donné la même éducation à mes deux fils. Pourtant l'un est devenu juge et l'autre voleur. Ils étaient donc bien différents l'un de l'autre ! ». Dans cet exemple, deux situations comparables (deux enfants éduqués dans les mêmes conditions) conduisent, de façon inattendue, à deux situations différentes (l'un devient juge, et l'autre voleur).
Ce type d'argument fondé sur une analogie est utilisé dans des controverses à thème scientifique. En voici un exemple dans un article du biologiste François Gonon (2011). Cet auteur prend position dans le débat sur la place des approches biologiques des maladies psychiatriques.
Cet article[1] est en accès libre ici.
Voici une analogie qui vise à montrer la complexité de la recherche contre le cancer. Puis, par un argument a fortiori, l'auteur nous montre la complexité plus grande encore de la recherche sur les maladies psychiatriques.
« Une autre manière d'évaluer la crédibilité des promesses de la psychiatrie biologique consiste à les comparer à celles qui ont été faites dans le domaine du cancer. Lorsque le président Kennedy a lancé en 1961 le projet Apollo de conquête de la lune, le défi technologique était considérable. Pourtant, huit ans et vingt-cinq milliards de dollars ont suffi pour aboutir. Suivant cet exemple, le président Nixon a lancé en 1971 la croisade contre le cancer avec l'ambition de vaincre ce fléau en une décennie. Quarante ans plus tard et malgré cent milliards de dollars en dépenses de recherche rien qu'aux États-Unis, les progrès ont été plus lents que prévu. Des avancées majeures n'ont été réalisées que pour quelques cancers (e.g. leucémie de l'enfant). En termes de population, la diminution de la mortalité a surtout résulté de la prévention (e.g. lutte contre le tabagisme) et du dépistage précoce. La biologie des cancers apparaît maintenant très complexe et multifactorielle et nul ne peut dire quand la recherche aboutira à des innovations thérapeutiques radicales.
La complexité du cerveau humain est telle que les défis affrontés par la psychiatrie biologique dépassent très probablement ceux de la biologie des cancers. Les difficultés identifiées par Steven Hyman tiennent à l'absence de marqueur biologique, à la faiblesse des modèles animaux et à la complexité de la génétique des maladies mentales ».
L'auteur compare la recherche spatiale et celle contre le cancer : toutes deux constituent de grands projets de recherche. Toutes deux sont richement dotées, toutes deux utilisent des technologies de pointe. Mais ces deux objets sont présentés ici pour mettre en avant une différence de taille : un projet de recherche a abouti, et l'autre pas. Et cette donnée sert à montrer que la complexité du cancer est supérieure à celle de la recherche spatiale. Enfin, une fois admise, cette comparaison vise à nous expliquer pourquoi une approche moléculaire de la maladie mentale ne peut pas avancer rapidement.