L'argument par analogie

L'appel au précédent

L'appel au précédent est un cas particulier de l'argument comparatif.

Dans de nombreux contextes, l'argument comparatif vise à montrer que deux cas survenus dans des temps successifs sont similaires ou ne le sont pas : c'est « l'argumentation par le précédent », ou « appel au précédent ». Lorsque le cas antérieur, pris comme phore, fait l'objet d'un jugement négatif, la conclusion vers laquelle pointe l'argumentation par le précédent vise à éviter la reproduction du phore, qui fonctionne comme anti-modèle (ou repoussoir). A l'inverse, lorsqu'il fait l'objet d'un jugement positif, l'argumentation invite à prendre le phore comme modèle.

Exemple

L'exemple qui suit illustre le premier cas du phore comme anti-modèle. Lors de la conférence de citoyens organisée par la région Ile de France en 2007 sur les nanotechnologies, un citoyen interpelle les experts en posant la nécessité d'une meilleure information sur les risques liés aux nanotechnologies. Guy Paillotin (ancien président de l'INRA) lui oppose la réponse suivante :

"Faut-il informer le citoyen de tout ? Vous savez, c'était peut-être pas très malin d'annoncer que la grippe aviaire allait se transformer en grippe humaine et tuer tout le monde, parce que ça a créé des ravages pour rien. Donc il y a des questions d'éthique sur l'information, c'est clair !"

Pour juger de l'opportunité des mesures à prendre dans le domaine des nanotechnologies, G. Paillotin évoque la crise de la grippe aviaire comme phore ; il pose un jugement négatif sur les mesures d'information de la population concernant les risques potentiels qui avaient été prises à l'époque, et érige donc le phore (la gestion de la grippe aviaire par les pouvoirs publics) en anti-modèle. La conclusion implicite est un positionnement pour le moins réservé sur l'affichage public et non raisonné des risques liés aux nanotechnologies.

La notion de précédent (compris cette fois-ci comme modèle) est au cœur de l'argumentation juridique régie par la Common Law, gouvernée par la jurisprudence : on doit juger le cas présent dans la continuité des jugements antérieurs portant sur des cas similaires.

L'argumentation par le précédent est un recours fréquent lorsqu'il s'agit, pour reprendre les termes de Callon, Lascoumes, & Barthe (2001), d'agir dans un monde incertain : on s'appuie sur ce qui a été, et sur la base d'une analogie de situations, on émet des hypothèses sur ce qui pourrait advenir.

C'est ce mécanisme qui sous-tend l'argumentation suivante qui se développe sur le registre de l'ironie. Rappelons le contexte : en 2010, l'éruption de l'Eyjafjallajökull en Islande s'était accompagnée d'un panache volcanique important, qui avait provoqué des perturbations dans le trafic aérien de certains pays européens. A l'annonce que le panache n'atteindrait pas le ciel français, le magazine, l'hebdomadaire Marianne ironisait :

« La France protégée. Après la seconde éruption du volcan d'Islande, on a pu lire ce petit titre dans le Monde : « Le nouveau flux de particules pourrait épargner la France. » Comme le nuage radioactif de Tchernobyl ! Notre pays a vraiment de la chance. » (Marianne, 24-29 avril 2010, p.14)

La comparaison avec le précédent de Tchernobyl – et plus précisément, avec la désinformation pratiquée par les médias à l'époque – vise à décrédibiliser l'annonce selon laquelle le panache volcanique épargnerait le territoire aérien national.

L'appel au précédent. Par Marianne Doury
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