La métaphore dans une controverse à thème scientifique
La métaphore est très présente dans la littérature et dans la poésie, où l'on a l'habitude de puiser des exemples pour l'illustrer. Cependant, on la trouve aussi fréquemment dans les textes des controverses à thème scientifique.
Nous prendrons ici quelques exemples dans le chapitre du livre de Stéphane Foucart (2013), dans le chapitre intitulé le « Mystère » de la ruche vide.
Exemple 1. Le comité de pilotage d'un programme de recherche sur la toxicité d'une famille d'insecticides est qualifié d'aréopage, un terme qui désigne à l'origine l'institution juridique suprême de la Grèce antique, et par extension, il désigne aujourd'hui une assemblée de personnes reconnues pour leur compétence. Cependant, il porte souvent, comme dans le texte de Stéphane Foucart, une connotation quelque peu ironique, comme le montre la phrase d'où est extraite la métaphore : « L'aréopage mêle des scientifiques compétents et non compétents sur le sujet abordé, des « parties prenantes » qui sont toutes clairement en conflit d'intérêt et des responsables d'administrations publiques » (Foucart, 2013: 169)[1]
Exemple 2. Parfois, la métaphore est entrée dans le langage courant, et elle passe presque inaperçue. Ainsi en est-il du verbe "éteindre" à propos d'un texte qui « aurait dû éteindre la polémique » car « chaque mot est pesé au trébuchet » (Foucart, 2013: 173[1]). Cette expression constitue également une métaphore imagée et qui permet au lecteur de se faire une image du travail en profondeur réalisé par cette commission.
Exemple 3. Pour expliquer que deux insecticides se ressemblent, l'auteur qualifie le second de « clone » du premier. Le « clone » n'a pas bonne presse aujourd'hui car il est régulièrement associé au clonage reproductif ou a des techniques de génie génétique qui suscitent des appréhensions dans le public. En parlant, de clone, le texte de Stéphane Foucart évoque un univers technologique qui peut être inquiétant.
Exemple 4. Pour qualifier le lexique des scientifiques qui négligent systématiquement de prendre en compte la toxicité des insecticides sur les abeilles et consacrent leurs efforts à la recherche d'autres causes de sa disparition, Stéphane Foucart parle de « novlangue », un mot inventé par George Orwell dans son roman 1984, pour qualifier les transformations de la langue opérées par une dictature. L'analogie entre un certain discours issu des sciences et la novlangue montre bien le jugement péjoratif porté sur ce discours.
Exemple : Le précédent de la propagande totalitaire et l'actualité de la désinformation scientifique
« À la fin de 1984, George Orwell raconte comment Winston Smith est repris en main par les fonctionnaires du Parti. L'un des éléments clés de sa rééducation, qui passe par d'effroyables séances de torture, est qu'il renonce à penser que deux plus deux égalent quatre. « Comment puis-je m'empêcher de voir ce qui est devant mes yeux ? Implore-t-il. Deux et deux font quatre ! » L'exercice est donc de parvenir à ne pas voir ce qui est devant soi et, en réalité, à y voir ce que l'on désire y voir. Deux et deux ne font-ils pas quatre ? « Parfois, Winston, lui répond son tortionnaire. Parfois ils font cinq. Parfois ils font trois. Parfois, ils font tout à la fois. » A la violence des cadres du Parti omnipotent de 1984 les firmes agrochimiques ont réussi à substituer la douceur de la science. Avec le même genre de résultats. Parfois, les insecticides tuent les insectes. Parfois, ils ne les tuent pas. Parfois, ils font tout à la fois » (Foucart, 2013: 216).