Une analogie condensée : la métaphore
La métaphore est une figure de style. Contrairement aux arguments par analogie proportionnelle, elle ne se développe pas sur une séquence constituée d'au moins deux énoncés (prémisse / conclusion), mais se cristallise en un seul mot ou d'un très petit nombre de mots.
Il y a métaphore quand on condense l'analogie, en omettant d'exprimer certains de ses termes. Perelman et Olbrechts-Tyteca (1988: 398)[1] décrivent ainsi le passage de l'analogie pleine à la métaphore :
« Pour reprendre Aristote (1457b), à partir de l'analogie A est à B comme C est à D, il y aura métaphore si pour désigner A on le dit le C de B ou encore quand on affirme que A est un C. Si la vieillesse est à la vie ce que le soir est au jour, on qualifiera métaphoriquement la vieillesse de soir de la vie ou l'on dira encore : la vieillesse est un soir. »
La métaphore ne retient donc de l'analogie que le rapport de terme à terme (entre A et C), et non l'identité de rapport (A est à B ce que C est à D). Enfin, au contraire de la comparaison, elle ne mobilise pas d'opérateurs tels que « comme », « pareillement à », « est semblable à », « rappelle... »...
La métaphore peut avoir une dimension argumentative, de même que l'analogie qu'elle condense ; mais cette valeur argumentative est plus enfouie que dans l'analogie propositionnelle. Ainsi, affirmer que « Ce politicien est un loup (ou un agneau, une charogne, un aigle, etc. » est une façon de suggérer que ce politicien est sans pitié, manipulable (ou simplement doux ?), sans scrupule, ambitieux... autant d'attributs que l'on peut considérer comme des « conclusions » de la métaphore.
La métaphore argumentative se retrouve aussi dans les controverses à thème scientifique. Par exemple, pour évoquer des promesses non-tenues des recherches génétiques en psychiatrie, Gonon (2011)[2] cite « un article publié (...) dans la revue Science qui parle de « bulle génomique » et critique l'inflation de promesses irréalistes dans la littérature scientifique concernant les déterminants génétiques des maladies ». La « bulle génomique » est ici une métaphore à mettre en relation avec les « bulles spéculatives », qui sont des augmentations économiquement injustifiées de la valeur des actions. Elles ont fait rêver des investisseurs en bourse, avant qu'ils ne déchantent lorsque les cours baissaient brusquement. On parlait alors, en filant la métaphore, d'un « éclatement de la bulle spéculative ».