Qu'est-ce qu'un argument ?

Comment repérer un argument ?

La langue offre une infinie variété de possibilités pour présenter des arguments. Il est plutôt rare de trouver un argument simplement exprimé sous forme de prémisses bien identifiées suivies logiquement d'une conclusion claire.

En effet, les prémisses peuvent être sous-entendues, et souvent elles le sont. Dans ce cas, elles ne se révèlent qu'au terme d'un travail interprétatif. Elles peuvent aussi être dites ou écrites de façon ironique, ou sous la forme d'une métaphore, ce qui nécessite aussi un travail d'interprétation. Elles peuvent encore être « oubliées » par l'auteur dans le feu de la discussion. Il n'est donc pas simple de repérer certains arguments. De plus, pour compliquer encore les choses, les arguments sont souvent énoncés dans des situations conflictuelles, dans lesquelles les personnes peuvent éprouver des sentiments de peur, de haine, ou se sentir déstabilisées. L'expression des arguments s'en ressent et ceux-ci manquent alors de clarté.

Dans une analyse de discours, une étape essentielle pour l'analyste consiste à repérer des arguments. Et pour réussir ce travail, il est intéressant de retenir la règle suivante : on ne repère véritablement un argument que lorsqu'on l'a identifié.

Pour affirmer que l'on est bien en présence d'un argument, il importe donc... de montrer celui-ci : montrer ses prémisses, sa conclusion et le raisonnement qui les relie. Et pour mener l'enquête qui conduit à identifier un argument, nous suivrons en grande partie la procédure proposée par (Johnson & Blair, 2006: 11).[1]

  • L'intention affirmée de l'auteur

    Dans les cas les plus simples, l'auteur affirme d'une manière ou d'une autre qu'il a l'intention de persuader son public, de soutenir une idée, ou au contraire de s'y opposer. Il est alors très probable que le texte contiendra des arguments.

  • Des marques classiques des prémisses et de la conclusion

    L'étude des arguments est intimement liée à l'étude des formes linguistiques dans lesquelles il est énoncé. Comme il n'est pas toujours aisé de repérer un argument (ses prémisses et sa conclusion), il peut être intéressant de mémoriser un lexique assez souvent utilisé pour exprimer les différentes parties d'un argument.

    Voici quelques mots-outils, indicateurs classiques de prémisses : puisque, parce-que, sur la base de, comme cela a été vu, étant donné, etc.

    Voici quelques indicateurs classiques de la conclusion : donc, en conséquence, ainsi, alors, il s'ensuit que, en conclusion, cela prouve que, cela nous indique que, etc.

    Cependant, lorsque ces termes sont présents, ils n'indiquent pas nécessairement la présence d'un argument. Il existe de nombreux « faux positifs » contenant ce type de mot-clé. Par exemple, les explications contiennent souvent les mêmes mots-clés que les arguments.

    De plus, nous nous exprimons souvent sans mentionner ces termes indicateurs. Il existe donc aussi de nombreux « faux négatifs »...

    Par exemple, « Aies le courage de prendre la parole devant ton responsable et tu seras respecté ». Cet argument ne contient aucune marque lexicale qui désigne sa prémisse ni sa conclusion.

  • Le contexte social

    Il existe des situations dans lesquelles la part argumentative des discours est prépondérante : ce sont les situations de conflits, les débats, les discussions qui doivent conduire à une décision, les enseignements, etc. Lorsque l'on repère ces situations, on peut s'attendre à y trouver des arguments.

  • Le genre du document que l'on analyse

    Certains documents contiennent des arguments : les thèses de doctorat, les plaidoiries, etc. A l'inverse, les modes d'emploi, les rubriques nécrologiques ou les textes manuscrits sur les cartes postales contiennent peu ou pas d'arguments.

    Dans un journal, certaines rubriques sont riches en arguments : ce sont les éditoriaux, les lettres ouvertes, les pages de débats, la chronique judicaire, la rubrique politique, etc.

  • Le cotexte

    Le cotexte est constitué de l'ensemble des textes qui environnent l'énoncé que l'on étudie : la table des matières, la quatrième de couverture, les intertitres, les encadrés, etc. Leur parcours rapide peut fournir des indices intéressants qui laissent supposer qu'un texte contiendra des arguments.

  • La structure logique

    Lorsque l'on étudie la structure logique des arguments, on identifie les arguments inductifs, déductifs, analogiques et convergents. Il apparaît que leur structure peut être indicative de la présence d'un argument.

    Dans une toute première approche, nous pouvons suspecter la présence d'un argument dans la séquence suivante :

    Premièrement, X1. Deuxièmement, X2. Troisièmement, X3. En conséquence Y. Un tel discours, dont nous ignorons tout du contenu, possède une structure classique pour la présentation d'arguments convergents. Nous n'avons cependant pas la certitude qu'il s'agit d'un argument. Il peut aussi s'agir d'une explication.

Comment repérer des arguments ? Par Michel Goldberg
  1. Johnson et Blair (2006)

    Johnson, Ralph H. et Blair, J. Anthony (2006) Logical Self-Defense. International Debate Education Association. New-York

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