L'expérimentation, en bref
Dans cette leçon, nous nous intéresserons plus particulièrement à une étude importante qui s'est concentrée sur la toxicité non létale d'un insecticide. Elle a été publiée dans l'une des plus prestigieuses revues savantes américaines, Science, en avril 2012 (Henry et al., 2012).
« Voici l'expérience qui a fortement contribué au moratoire sur le Cruiser : une équipe [de chercheurs] (...) a posé des puces RFID sur 650 butineuses ayant ingéré de faibles doses de thiaméthoxam. Ce sont des puces électronique (radio frequency identification) permettant d'identifier les abeilles.
Celles-ci permettent de détecter leurs entrées et sorties de la ruche grâce à un lecteur qui en contrôle l'entrée. Les abeilles ont alors été relâchées à 1 km de leur ruche. Résultat : le taux de non retours chez les abeilles intoxiquées s'est avéré être deux à trois fois supérieur à la normale.
Ce taux serait suffisant pour déséquilibrer une colonie, voire même la conduire à l'effondrement » (Inzerillo, 2014)[1]
C'est l'usage des puces RFID qui a permis l'élaboration de cette expérimentation. Auparavant, la mesure du non-retour à la ruche était quasiment impossible. Une première explication du phénomène vous est donnée dans le film ci-dessous.
L'usage des insecticides néonicotinoïdes est considéré comme une cause sérieuse du syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles, bien que son importance relative à d'autres causes (telles que les parasites et les pathogènes) soit discutée. Des recherches ont montré que des doses sublétales d'insecticides perturbent le comportement des abeilles : le butinage, la mémoire olfactive et les performances d'apprentissage.
La recherche de Henry et al. (2012) se concentre sur l'étude du retour à la ruche des abeilles ayant consommé un insecticide néonicotinoïde, le thiamethoxam, utilisé pour la protection de cultures de colza.
Cet insecticide est appelé systémique. Cela signifie qu'il se diffuse dans l'ensemble de la plante par la sève durant sa croissance. Dans la préparation agricole, l'insecticide est mis en contact sous forme de pâte avec la graine. Il était voué à être utilisé dans les grandes cultures de colza, de tournesol et de maïs. Il a pour fonction de tuer les insectes suceurs qui se nourrissent de la plante.
Définition : Qu'est-ce qu'une dose sublétale ?
On distingue deux approches de la notion de dose sublétale.
Soit on considère la dose qui tue moins de 50% d'une population d'abeilles, soit on considère la dose pour laquelle on n'observe aucune mortalité chez l'abeille.
L'expérimentation se déroule en deux grandes étapes : (1) la mesure du non retour à la ruche des abeilles et (2) une modélisation pour évaluer le risque d'un effondrement des colonies qui serait causé par ce non retour à la ruche lorsqu'il prend des proportions importantes.
Pour la mesure du non retour à la ruche, les auteurs ont utilisé des puces RFID qu'ils ont fixées sur le thorax de 653 abeilles avec de la colle dentaire.
L'ingestion de la dose sublétale par l'abeille est techniquement peu complexe. Mais le procédé entraîne un stress pour l'animal. C'est une des raisons pour lesquelles l'ingestion d'une dose quotidienne est faite en une seule fois. Le calcul de cette dose prend en compte les quantités habituelles de nectar ingérées par l'abeille et les concentrations en insecticide qu'il contient.
Dans cette expérimentation, on considère seulement l'ingestion d'insecticide par voie orale bien que l'ingestion par voie cutanée soit aussi possible.