La controverse sur la toxicité des insecticides pour les abeilles

Une typologie des critiques faites par l'entreprise Syngenta

L'article de Henry porte sur la toxicité de la molécule active d'un insecticide produit par la firme Syngenta. Il était prévisible que cette entreprise réagisse à la mise en cause de cette molécule, et produise des arguments pour réfuter la recherche de Henry. Ce sont ces arguments que nous allons étudier ici.

Durant l'expérience, les abeilles ingèrent une dose d'insecticides tandis qu'elles sont maintenues sous contention. Selon l'entreprise Syngenta, cette dose est largement supérieure à celle que l'abeille ingère en plein champ. Cette assertion est contestée par les auteurs de l'étude parue dans Science.
Contention de l'abeille pour poser la colle puis la puce RFID (MAITRE Christophe)

Commentaire de l'image : Durant l'expérience, les abeilles ingèrent une dose d'insecticides tandis qu'elles sont maintenues sous contention. Selon l'entreprise Syngenta, cette dose est largement supérieure à celle que l'abeille ingère en plein champ. Cette assertion est contestée par les auteurs de l'étude parue dans Science.

Question

Dans le CP de Syngenta, quels sont les arguments par lesquels l'entreprise critique l'étude de Henry ?

Indice

Servez-vous du document qui reprend les grandes voies par lesquelles il est possible de faire la critique scientifique d'un article.

Solution

L'argumentaire de Syngenta attaque l'étude de Henry et al. (2012) par plusieurs points critiques repris ci-dessus. Il utilise à la fois des argumentations de réfutation, de minimisation et de nuance.

LES ARGUMENTS DE REFUTATION

La réfutation porte sur trois volets de la recherche.

1. Le premier est le volet méthodologique et porte sur la dose d'insecticide utilisée pour la recherche : « la concentration en thiamethoxam du sirop administré aux abeilles est au moins trente fois plus élevé que celle du nectar de colza protégé avec du Cruiser OSR ». C'est une contestation de la méthode expérimentale.

2. Le second volet porte sur les calculs prédictifs concernant la diminution de la population d'abeilles. C'est une réfutation par incompatibilité avec des résultats d'une autre recherche à laquelle Syngenta accorde son crédit. Il remet en question l'interprétation des résultats de la recherche qui montrent que la population des abeilles pourrait décroître sous l'effet d'un insecticide ingéré à dose sublétale. : « les résultats [du dossier de Syngenta] n'ont montré aucune baisse de poids des colonies au cours de la floraison du colza en comparaison avec des colonies témoin (cf avis ANSES du 15 octobre 2012) prouvant l'absence de dépopulation des colonies »

3. Le troisième volet porte sur l'incompatibilité des résultats de l'étude de Henry et al. (2012) avec d'autres résultats de recherche d'une recherche menée par « des organisations apicoles et les instituts de recherche durant quatre années en Allemagne (publication de Gernersch & al. 2010[1]). Cette dernière critique unit une critique d'incompatibilité avec un argument d'autorité puisqu'elle met en avant une position prise par « des organisations apicoles et les instituts de recherche » qui confortent la position de Syngenta. Cet argument d'autorité vient s'opposer à l'argument des associations opposées à l'utilisation de l'insecticide et qui met en avant le sérieux de l'étude de Henry.

L'ARGUMENT PAR CONCESSION

L'argumentaire semble aussi faire une concession à l'étude en parlant d'une approche « innovante et intéressante », qui laisse entendre qu'elle mérite de retenir l'attention, mais il apparaît rapidement qu'il s'agit d'une concession qui ne cède en rien sur la critique des résultats de la recherche.

L'ARGUMENT PAR MINIMISATION

Une critique de l'étude de Henry consiste à minimiser l'importance de la toxicité des insecticides pour les abeilles en mettant en avant d'autres causes de la disparition de cet insecte qui sont présentées comme les plus importantes : « Syngenta considère avec attention toutes les études permettant d'améliorer la connaissance sur la mortalité des abeilles, dont les causes multifactorielles – Nosema, Varroa, frelon asiatique, manque d'alimentation, mauvaises pratiques – sont aujourd'hui largement connues et publiées dans de nombreuses revues scientifiques ».

Notons enfin que Syngenta ne remet en cause ni la probité, ni la compétence des auteurs de la publication, ni l'autorité de la revue scientifique.

  1. Genersch, Elke (2010)

    Genersch, Elke (2010) The German bee monitoring project: a long term study to understand periodically high winter losses of honey bees colonies. Apidologie, 41, 332-352

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